Le Moose Lake & Game Club, ou Club Caribou !
Après avoir fondé en 1926 le Moose Lake Fish & Game Club tout près du Camp Bertrand au lac Bouillon, Charlie Samuel, un juif anglophone de Montréal fait la connaissance de Douglas McDonald, contremaître de la St-Maurice Paper, dont le bureau est situé en face du magasin général de Hermas Piotte.
Douglas qui parle francais et anglais demeure près du magasin. C’est par son intermédiaire que Jos Morin (1) travaillant sous ses ordres, se fait connaître des membres du club car il est aussi guide de pêche. Avec son frère Damase, il guide à la belle saison les pêcheurs sur les lacs de la région, allant même jusqu’au lac Caribou aujourd’hui situé dans le Parc du Mt-Tremblant mais anciennement dans le Parc de Joliette. Lorsque le Moose Lake Fish & Game Club laisse partir une partie de son territoire en 1932 Jos Morin devient associé du club et en fait déménager les activités au lac Caribou.
En 1932 des membres du Moose Lake Fish and Game Club en vacance aux chalets Bertrand, demandent à Joseph Morin de les accompagner à la pêche au lac Caribou, même si c’est dans un campement de fortune. Ils tombent en pamoison. Plus d’une vingtaine de lacs frétillants de belles truites mouchetées.
Ils réussissent à convaincre Joseph Morin de s’y installer avec sa famille et d’offrir gîte et bouffe aux pêcheurs.
Au printemps de 1932 Jos et Damase Morin, Edouard Perreault et Anthime St-Amour montent au lac Caribou pour défricher un emplacement. Aucun bail n’est alors exigé du gouvernement pour s’installer. Plus tard il sera exigé un montant d’argent pour les 3 acres de terres qu’ils occupent et des baux de 5 ans avec le gouvernement seront signés.
Mais comment s’y rend t’on au Caribou ? A la fin avril on transporte jusqu’au camp tout le matériel nécessaire à l’ouverture de la saison. On mouille les chaloupes en face de chez Douglas McDonald (anciennement M. Marc Blagrave), tout près de Damase Morin. On traverse le lac Ouareau à force de bras jusqu’à sa décharge ou l’on débarque chez Xavier Grenier, gardien de la dam. Puis, un portage de ¾ de mille en ‘’jumper’’ ou à pieds est entrepris pour se diriger vers le premier bassin du lac Croche. De là, on se rend jusqu’au 7e bassin près de Rolland Morin. Enfin, un dernier portage de 2 ½ milles est entrepris jusqu’au campement.
En mai 1933 Marie Louise Mousseau, épouse de Joseph Morin emménage avec huit enfants dont la dernière n’a que deux mois. La famille et les pêcheurs logent dans des tentes plus que rudimentaires. Monsieur Jos Morin fait l’ouverture de la pourvoirie dont la principale clientèle était des américains.
Lors du premier été, Jos Mousseau, Paul Mousseau et Jos Morin construisent le premier camp. L’extérieur du camp est en planches et le toit recouvert de bardeaux de cèdre. Jos avait appris à faire du bardeau d’Athanase Berthiaume. Puis, deux autres camps seront montés, en bois rond cette fois. Au début ce sont des camps-dortoirs l’un avec 6 lits, l’autre avec 8 lits.
Les premiers temps, les membres du club paient 1.50$ par jour. Mme Morin fournit les œufs, les patates, le lait (elle avait 2 vaches) et prépare les repas en prenant soin d’offrir aux pêcheurs du bon dessert de chez nous. Quant à eux, ils apportent : leur viande, leurs légumes, leur pain et leurs fruits.
L’hiver 1937-38 M. Jos Morin a eu un contrat de coupe de bois. Des camps de bois rond furent construits pour loger et la famille et les bucherons. Ce fut le seul hiver ou la famille a passé au lac Caribou. Ce n’est qu’en 1940 que les chalets de bois sont terminés. Une étable a été construite afin d’y loger les animaux (chevaux, vaches, poules).
Au plus fort des activités le club compte plus de 80 membres, la majorité des juifs canadiens-anglais et quelques juifs américains. Les femmes dans tout cela ! Dames de la ville et du confort, elles n’accompagneront leurs maris et cela à l’occasion seulement que lorsque le chemin se rendra au lac. Une autre exigence et fallait s’y attendre, on ne peut toujours pas aller dans le petit bois pour les petites choses, on attendra l’installation des toilettes à l’intérieur avec l’eau courante. Tout en demeurant dans le domaine des commodités, les glacières sont une nécessité l’été et cela exige qu’on s’y prépare. Aussi, entre Noel et le jour de l’An, Jos Morin et les plus vieux de la famille montent au Caribou pour faire de la glace. Les hommes font le trajet de St-Donat-Caribou, en raquettes accompagnés d’un attelage de chiens qui transporte la nourriture. Près de 600 blocs sont taillés sur le lac. Une première glacière est aménagée près de la dam pour le poisson capturé et une autre derrière le premier camp.
En 1937 un événement heureux survient, finit les rames, on achète un moteur de 10 forces, ce qui permet de transporter plus de matériel et d’être moins exigeant sur le physique.
Au début des années 1960 un petit motel rustique avec 5 chambres, toilettes et douches. C’est suite à cette construction que le premier camp est converti en cuisine et salle à manger.
En mai 1941 un drame se produit. St-Donat est menacé par un immense feu de forêt. Les lacs Ouareau, Croche, Clair (Sylvère) et Caribou sont menacés. Les hommes construisent de grands radeaux et y vident tous les chalets. Les deux vaches, les deux cochons, les poules et le cheval prennent aussi place sur un radeau. Les radeaux sont trainés au centre du lac. Personne ne veut quitter le Caribou, mais la troisième journée, les garde-feux les obligent à partir. Seuls les hommes restent pour éteindre les branches enflammées qui arrivent de partout. Au lac Croche on n’y voit que des grands arbres noircis. Chez M. Grenier, tout était rasé et les animaux avaient brulé dans l’étable. Le moulin à scie le long du lac était en feu.
En 1949 la Consolidated Paper ouvre une route carrossable jusqu’à Saint-Michel des Saints. C’est le paradis.
En 1959, après le décès de Joseph Morin, son épouse Marie Louise Mousseau vend la pourvoirie à un de ses fils, Jean Paul, marié à Anita Poudrier. Avec leurs deux enfants, Michel et Josée, ils exploitent le commerce jusqu’à ce que la Réserve de Joliette revendique ses droits et exproprie le territoire 1972. Les installations sont alors brulées avec tristesse.
Après avoir obtenu leur part du Club qui leur revenait, les membres du Moose Lake and Game Club transportent tout le ‘’ménage vers Saint-Mathieu, en Mauricie, où ils poursuivront leurs activités de pêche.
(1) Jos Morin est originaire de Chertsey a épousé le 1er septembre 1914 à Saint-Donat Marie Louise Mousseau. De leur union sont nés 9 enfants : Roland, Henriette, Roger, Jean-Paul, Lévis, Thérèse, Jean-Guy, Huguette et Mariette.
Auteur : Claude Lambert anthropologue-historien