La crise (2)

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À la dernière chronique, nous avons parlé de construction, de travaux, de s’établir au plus vite, de projets de survie, mais il faut aussi : de l’argent, du bel argent, des piastres … comme disait Séraphin, dans l’émission à la Radio, et puis, par après, de la télévision.

Je vais vous conter, ce que Joseph (fils) mon père, avait trouvé, avec sa fougue de jeunesse du temps, comme idée, de faire avancer les projets de son père Youssouf. Résidaient, autour du lac Archambault, les pères Saint-Sacrement, au fond de la baie, aujourd’hui, c’est le chemin de la Pointe des prêtres, qui mène à cette résidence des Pères. On avait, comme projet, de construire un Boat House, pour abriter leurs embarcations. Il fallait creuser le fond de l’eau, enlever roches et débris pour permettre aux embarcations de passer, en tout sécurité. Les fils de Youssouf marchaient un peu partout dans les bois, la jeunesse fougueuse, à l’affut de nouveautés, de connaissances et de rencontres, avaient eu vent du projet des Pères.

Nous sommes encore en période de crise, aux environs de 1920. De retour, à la maison, ils font part, de leur découverte du projet, à leur père, Youssouf. Les Pères offriraient 10,00 piastres, à ceux, qui creuseraient, le fond du lac, tel que demandé.

Plein de joie, à cette nouvelle perspective de gagne, Youssouf en a profité pour lâcher son plus gros sacre : Crime-chien, que le terme est juste, pour exprimer sa joie de vie, la belle affaire, il ne faut pas oublier, qu’il a les affaires dans le sang. On ne peut pas passer, à coté d’un si gros contrat, pour la survie. Le cœur en fête, Youssouf, Joseph (fils) et son autre plus vieux, Donat, sont partie de bon chemin, pour exécuter, la bonne affaire, l’affaire du siècle, une bénédiction du Ciel. Allons-y, mes enfants, l’avenir est à nous, à ceux qui se lèvent tôt, pour un travail valorisant !!! Ils y ont travaillé, pendant une semaine, pour enfin, faire la ¨ Job ¨ et empocher le magot, On ne rit pas 10,00 piastres. Fiers de leurs exploits, ils respirent l’espérance, le bien être et la bonté, que la vie a su apporté. Essayez de vous imaginer, avoir une fortune, comme tel, dans vos poches, après la disette de cette guerre. Il faut ménager nos ardeurs, car tout n’est pas gagné, nous sommes vulnérables, aux méats de la vie, en tant de guerre ou d’après guerre. Manque de tout, sauf du vouloir.

Maintenant, assez de travailler sur d’autres projets, il faut revenir à nos moutons. Il doit construire un toit, pour sa famille : Denise, sa douce moitié, et les enfants, qui sont maintenant nombreux : Joseph, Olivina (décédée à 8 mois), Donat, Florence, Gabriel, Georges, Gérard, Henri-Paul, Jacques, Gilberte (décédée à 3 mois), Gilbert (décédé à 17 mois) et le tout dernier, Ludger, né en 1923.

Oui, la maison, le projet : couper les arbres. Des planches, des planches et encore des planches, dieux (pardon pour ce gros mot), qu’il en faut, pour la maison. Ils faisaient du bois mou, de 4 pieds, et apportaient les billots au bord de l’eau, pour pouvoir les transporter au moulin à scie du village, chez un certain, Monsieur Joseph Charbonneau, le jeune.

Joseph (Youssouf) a finalement acquit cette terre, voyez ci-joint, une copie de la lettre patentes de 1927. Il a su amasser, les 124,44 $, pour payer, l’acquisition de cette fameuse terre et du papier, tant espérée. Où a-t-il trouvé cet argent ? Grâce à son ingéniosité, son travail et celui de sa famille, aussi, grâce aux droits de passage et de redevances, pour la compagnie de bois, La McLawrence, je ne sais pas si l’orthographe est bonne, mais au son, cela semble parfait.

Cette compagnie faisait de la coupe de bois, dans les montagnes, au tour de la rivière Michel, les travailleurs traversaient le lac et accostaient chez Youssouf et sa famille, ils avaient besoin, de chaloupe et rameurs, pour les traverser au travail et les ramener au village. Les hommes faisaient une halte, chez Youssouf. La Compagnie récompensait Youssouf, pour ses services et par ses droits.

À coup de sous, de ménagements, de calcul, il en est parvenir à réunir ladite grosse somme, pour acquitter, la terre tant convoitée.

Difficile à lire, mais voici les passages, les plus croustillants :
* Cent vingt quatre piastres et quarante-quatre centimes.
* Les lots numéros un (1) et deux (2) dans le cinquième rang du canton d’Archambault, contenant respectivement, quatre-vingt-trois (83) acres et cent (100) acres.

" Signé le 10ième jour de février 1927, par l’Honorable François Xavier Lemieux, juge en chef de la Cour Supérieure et du Ministre de la Colonisation, etc.

Source : Solange Issa, née Issa, Journal Altitude 1350, juin 2016