Il y aura bientôt 50 ans, soit dans la nuit du 20 octobre 1943, un avion militaire canadien de type Bombardier Consolidated B-24D Liberator s’écrasait sur la montagne Noire. Jusqu’à aujourd’hui, il s’agit de la pire tragédie aérienne de l’Aviation royale du Canada sur son territoire.
Vingt militaires en permission et quatre membres d’équipage perdirent la vie dans ce terrible accident. Saint-Donat se souvient. Pour l’occasion, la Municipalité et la Chambre de Commerce et de Tourisme de Saint-Donat installeront au cours de l’été deux panneaux d’interprétation historique sur cet événement. L’un sur les lieux même de l’accident et l’autre au stationnement de la piste de randonnée pédestre Inter-centre qui passe précisément au beau milieu des débris du Bombardier. De plus, un dépliant sera publié. La recherche historique ainsi que la rédaction des textes ont été réalisées par la firme EthnoDiffusion de Saint-Donat.
Tout commence à Terre-Neuve. Nous sommes le 19 octobre 1943 à l’aéroport militaire de Gander à Terre-Neuve. À cette époque Terre-Neuve ne fait pas partie de la Confédération canadienne, elle n’y entrera que lors du plébiscite en mars 1949. Toute la journée, un temps pluvieux immobilise les avions au sol. Finalement, en soirée, le Liberator obtient l’autorisation de décoller pour un vol de routine vers Mont-Joli. Vers 1h45 am, nous sommes donc le 20 octobre, le pilote demande au contrôleur la permission de se poser. Celui-ci lui répond que les pistes sont fermées à cause du mauvais temps et lui demande de poursuivre vers Dorval ou Rockcliffe en Ontario. Ce signal radio sera le dernier contact qu’on ait eu avec le Bombardier sinon un S.O.S. qu’un avion Anson aurait capté quelque part au nord-ouest de la ville de Grand-Mère en direction de la rivière Matawin.
Le 21 octobre 1943, le journal La Presse de Montréal titrera : “Un quadrimoteur s’écrase au Saguenay : 24 victimes”, faisant allusion au Liberator. On ne sait où le journaliste a pris cette information, car l’avion n’a pas encore été découvert. Au lac Archambault cette même nuit. Non seulement au lac Archambault, mais à la grandeur du village on s’entend à dire qu’un vrombissement de moteurs à très basse altitude s’est fait entendre au lac Ouareau puis au lac Archambault.
Un villégiateur du nom de Moore au lac Archambault un peu plus loin que chez Jos Regimbald, répète à qui veut l’entendre qu’il est certain que le gros avion est tombé dans le lac ou sur la montagne Noire. Il en fait part d’ailleurs à Jos Gaudet à la Corniche. On rapporte qu’il téléphone même à la police et à l’armée, mais on ne le prend pas au sérieux. Pourtant, plusieurs gens du village ont entendu la même chose. On dit par ailleurs que durant près d’un mois après l’accident, des avions auraient survolé la région surtout entre le village de Saint-Michel-des-Saints et la rivière Saint-Maurice. Cela se comprend en partie si l’on en juge par le S.O.S. capté dans cette zone qu’on croit avoir été émis par le Liberator.
Après plusieurs efforts pour retrouver l’appareil, on met fin aux recherches. Un second avion disparaît. Le 20 juin 1946 alors qu’un autre avion est porté disparu cette fois entre Rockcliffe près d’Ottawa et Roberval au Québec, un avion de recherche militaire survole la région de Saint-Donat et aperçoit la queue double du Liberator près du sommet de la montagne Noire. Dès lors les recherches sont entreprises pour identifier l’appareil et la journée même un hydravion transporte une équipe formée de militaires à Saint-Donat. Il n’en faut pas plus pour que la nouvelle circule dans tout le village et devienne le <
Pendant que tout un chacun émet son opinion sur le sujet, des officiers de l’armée stationnés au village terminent les préparatifs pour l’ascension de la montagne Noire. Vers les 9.00h du matin, un groupe de chercheurs quitte à bord d’un camion pour se diriger vers le lac Archambault à la maison de Jos Regimbald. À cette époque le pont n’existe pas et l’on doit donc traverser la baie par bateau ou par chaland. Pour faciliter la localisation du Bombardier, on fait appel à un avion militaire pour guider les hommes dans leur ascension. Feront partie de l’équipe, trois citoyens de Saint-Donat soit, Jos Gaudet et René Labelle, gardes forestiers et Moise Michaudvile, trappeur. Ils seront sous la direction du chef d’escadrille Harry Cobb et du sous-lieut. W.-L. Tessier. D’après Harry Cobb les passagers de l’avion ont tous été tués sur le coup, hypothèse confirmée par l’enquête du coroner. Ce qui étonne, c’est que des corps ont été trouvés à l’extérieur de l’appareil laissant plutôt croire qu’ils se seraient traînés sur une certaine distance avant de rendre l’âme.
Ce rapport nous laisse très perplexes compte tenu de la maigre information qu’il contient. Quant à celui de l’armée dont EthnoDiffusion a fait la demande, il y a quelque temps, on n’en a eu aucune nouvelle. Y a-t-il eu pillage de l’avion ? C’est ce que nous saurons dans le prochain article.
Note. Je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont bien voulu me prêter des photos, se prêter à mes entrevues, et à d’autres de m’avoir permis de consulter des documents pertinents avec lesquels j’ai pu rédiger ces deux articles sur l’accident du Liberator. Vous m’excuserez de ne pouvoir vous nommer, vous êtes trop nombreux. Sans votre collaboration ce fait d’histoire aurait encore tardé à se faire connaître. Avec toute la documentation et les photos amassées, il serait fort intéressant de publier un <
Photo-vignette 1. Le temps d’une pause près du lieu de l’accident : René Labelle garde forestier, Marcel Bouchard, le sous-Lieut. W.L. Tessier, Jos Gaudet et Armand St-Amour.
Photo-vignette 2. La plaque commémorative sur les lieux de l’accident. À gauche Maurice Ferguson et Marcel Regimbald, garde-feu de la St-Maurice Forêt, fils de Jos Regimbald. Maintenant restaurée cette plaque est aujourd’hui au cimetière de Saint-Donat.
Photo-vignette 3. Une photo prise sur le site de l’accident du Liberator :
1ère rangée : Rosaire Nadon de St-Donat, un militaire, Léo Bertrand chef de police de St-Donat et un militaire. 2 ième rangée : De St-Donat, Louis Lavoie, Hardouin Coutu, Gaston Coutu, Joseph St-Amour, un militaire, un militaire, le maire de St-Donat Richard Coutu, le vicaire de St-Donat Gérard Super et Joseph Poudrier. 3 ième rangée à l’arrière : appuyés sur un billot, un inconnu, Jean-Paul Sigouin, Gérard Mitron, un inconnu, Armand St-Amour, Roméo Sigouin, Victor Bilodeau, Delphis Vaillancourt, un Dufour de Ste-Lucie, un inconnu.
Photo-vignette 4. Les lieux de la tragédie reçurent plusieurs visiteurs, de Saint-Donat : Roddy Simard, Joseph Lacroix (époux de Jeanne Lavoie), Omer Simard, Léo-Guy Simard, Jean Simard et à l’arrière Réjean Lacroix fils de Joseph.
Source : Claude Lambert, anthropologue-historien, Journal Altitude 1350. Juin 1993