La construction du presbytère en 1912 (2)

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Dernier de deux articles. Toujours au mois d’avril 1912, une nouvelle assemblée de paroisse est convoquée pour élire les syndics qui auront pour tâche de surveiller et diriger les travaux de construction des nouveaux bâtiments religieux. Fernando Coutu, J.H. Lavoie, Wilfrid Aubin, Wilfrid Sigouin et Maxime Riopel sont élus. Trois des quatre syndics ont des intérêts directement dans la construction des édifices religieux, étant propriétaires de moulins à scie. Fernando Coutu a son moulin à la décharge du lac Archambault, Wilfrid Aubin a le sien à la décharge du lac Pembina en plus de posséder une manufacture de portes et châssis dans le village. Quant à Maxime Riopel, son moulin à scie est sur la rivière Bouillon au lac Ouareau. La construction du presbytère. Pour diriger les travaux, les syndics choisissent John Kinshella, un entrepreneur-menuisier de Rawdon. Les Kinshella ont laissé une belle contribution au patrimoine architectural de cette ville. Durant les étés 1912-1913 John Kinshella loge avec sa famille à Saint-Donat chez Wilfrid Aubin, qui vient tout juste de se faire construire une jolie maison (démolie depuis pour faire place à l’épicerie de M. Gaétan Denis, Épicerie Maurice Charbonneau). Bilingue, d’origine irlandaise et de religion protestante, John Kinshella connaît bien les agents de la compagnie Charlemagne & Lac Ouareau Lumber, plus tard la St-Maurice Paper, qui font la coupe du bois à Saint-Donat. Même si on n’a pu retrouver les plans réalisés par John Kinshella pour la construction du presbytère, les spécifications quant à savoir quels seront les matériaux utilisés et la façon de réaliser l’ouvrage, nous sont connues aujourd’hui.

Voici quelques notes à ce sujet : Le solage : "la pierre paraissant à l’extérieur devra être choisie et ayant une belle face ; le mortier : "les joints devront être faits de mortier, moitié-ciment, moitié chaux et sable ; le revêtement extérieur : " du clappboard 7/8 en pin ou épinette de première qualité pas plus de 5’ de large (...), tout le bois de l’extérieur devra être peinturé une couche de peinture grise (sic). On devra employer du blanc de plomb pur (sic) et de l’huile de première qualité. Les noeuds devront être chalaqués (sic) ; les portes : "de cuisine devront être munies de clenches françaises no. C5681 et de serrures à mortaises sans poignés no. 25. La porte de la façade devra avoir une vitre bizautée (sic) ",(1)

Une grande fête. Les travaux du presbytère se terminent au milieu de l’été 1913. Le dimanche 20 juillet, la bénédiction de l’église a lieu et toute la population locale se joint à Mgr. Charles Hugues Gauthier, évêque du diocèse d’Ottawa. Pour la cérémonie la messe est célébrée par le curé Filion de Saint-Adolphe-d’Howard et le sermon fait par un villégiateur du lac Archambault, l’abbé Noël Fauteux. La direction du choeur de chant est assurée par P. Fortin et la musique par J. Villeneuve. À l’orgue on retrouve Mlle E. Boulay. Dans l’après-midi on assiste à la bénédiction d’une cloche et le sermon de circonstance est fait par l’abbé Caron de Saint-Jérôme.

Que reste-t-il de nos anciennes maisons ? Bien peu de chose malheureusement, si ce n’est qu’elles ont été pour la plupart recouvertes de nouveaux matériaux de construction surgit de la vague du "modernisme" des années 1960. Bien souvent les anciennes maisons de pièces étaient plus chaudes que celles construites plus tard en bois de sciage les murs remplis de bran de scie qui très vite descendait au plancher laissant l’hiver envahir la maison. Les tuyaux des poêles à bois ne dérougissaient pas et très souvent causaient des incendies ravageurs. Au coeur des années 90, une nouvelle vague a surgi, qui consiste a faire de la rénovation à caractère "historique", plutôt que de la restauration proprement dite. Ce qui donne un visage peu authentique à un village, lui enlève sa personnalité propre et cache son histoire que bien des visiteurs seraient curieux de connaître. Le village de Saint-Donat conserve très peu de vestiges de son architecture d’antan. La maison de M. Rolland St-Amour au 421 rue Principale (regardez-là bien et vous y trouverez des similitudes avec le presbytère de 1913), le restaurant Crêperie de la Maison Blanche au 515 rue Principale, le deuxième étage du magasin Escompte Bédard et Béland Inc. au 450 rue Principale, la maison de M. Jules Saint-Georges au 310 rue St-Donat, l’élément décoratif de l’ancien Bureau de Poste avec son castor sculpté en façade du commerce abritant aujourd’hui le salon de barbier de M. André Simard, sont autant d’exemples illustrant la beauté et l’esthétisme de Saint-Donat d’autrefois et que plusieurs visiteurs (Européens, Américains) en reconnaissent les attraits touristiques. Espérons que ces bâtiments et quelques autres qui demeurent ne subiront pas le même traitement sans condition que le presbytère. (1) Informations tirées de l’étude ethnohistorique sur le presbytère de St-Donat et d’autres dans la région Lanaudière par Sylvain Gaudet en 1983 pour la Société Historique de Saint-Donat.

Note. Le journal La Presse fait honneur à des gens de chez nous. De l’artisan à l’anthropologue-généalogiste, les beaux reportages de Marc Cassivi (le 16 juin dernier) sur Jean-Charles Aubin, artisan du cuir (et Altitude 7/1994, p.5) et de Gérald Leblanc (le 25 juin dernier) sur Sylvain Gaudet, anthropologue et spécialiste en généalogie acadienne (fils de Paulo et de Yolande Desmeules) nous font dire que le talent n’a pas de frontières et que nous devons être fiers de leur contribution à la culture en général. Félicitations à tous les deux et un coup de chapeau au journal La Presse qui s’affirme de plus en plus en région.

Photo-vignette : dressé sur son promontoire en plein coeur du village (1982), le presbytère avait su conserver presque entièrement le raffinement architectural dont l’époque l’avait pourvu. La petite manufacture de Wilfrid Aubin a contribué à faire, entre autres, les portes et fenêtres et probablement les éléments décoratifs ou d’ornements.

Source : Claude Lambert, anthropologue-historien, Journal Altitude 1350. Août 1994